
Érigé un temps au rang d’intouchable légende vivante, Djamel Belmadi paye de sa réputation le lourd tribut dû à l’élimination précoce dès le premier tour de la CAN ivoirienne. De notre envoyé spécial à Abidjan, Djamel Ouaglal.
Loin de tout passionnel qui embrase la rue algérienne et le déferlement de violence verbale envers un sélectionneur, qui a échoué à qualifier les Verts aux huitièmes de finale de l’actuelle Coupe d’Afrique des Nations, un brin de rationalité voudrait qu’il mérite au moins le respect dû à son rang. D’autant plus qu’un simple inversement théorique des rôles imposerait à tous ceux qui voudraient le faire passer pour le grand méchant loup un angle d’attaque plus informatif et crédibiliserait logiquement une plaidoirie en sa faveur. Parfaitement défendable eu égard à son implication totale et à tout ce qu’il a fait de bon, en dehors des CAN-2021 et 2023, le bilan de Djamel Belmadi aurait, ainsi, pu lui permettre d’aspirer à être reconduit, quand bien même le parcours désastreux en compétition continentale depuis l’historique sacre en 2019 lui ferait perdre assez de sympathie.
Un travail de sape auprès des binationaux
D’un point de vue diachronique, on ne peut, en effet, reprocher grand-chose à l’ancien maître à jouer de l’Olympique de Marseille. Un simple tableau comparatif entre la situation dans laquelle il avait hérité du Club Algérie et le confort évolutif dans laquelle il se trouve en cet hiver 2024 est, en effet, doublement convaincant. En raison, d’abord, de tout ce qu’a apporté Belmadi à la sélection en matière de crédibilité auprès des jeunes binationaux qui éclosent dans le haut niveau.
Son énorme travail de sape en amont, sa manière de faire et son discours auprès des familles a fait gagner à l’EN énormément sur le plan de l’image. L’arrivée de Houssem Aouar et -surtout d’Amine Cherki sonnent comme des chefs-d’œuvre. Avec le premier nommé, il a rappelé aux jeunes binationaux la nécessité d’être plus pragmatiques à l’heure du choix de la sélection senior et l’impérativité d’opter pour le pays d’origine qui ne les reniera pas à la moindre méforme. En « débauchant » le second, buteur historique des équipes de France de jeunes avec 48 réalisations en 74 sélections entre les U-16 et les U-23, Belmadi a mis fin à l’hégémonie boulimique de la FFF à ce niveau.
Il a défraichi le terrain pour le Mondial 2026
Il a, en parallèle, lancé un signal fort aux autres talents émigrés, en leur confirmant, à la faveur de cette arrivée qui a provoqué un séisme médiatique outre-Méditerranée, qu’on peut très bien opter pour la sélection de la rive sud, tout en fixant la barre des exigences et des ambitions très haut. Le fait d’avoir réussi proprement le job lors des deux premiers rounds des éliminatoires de la Coupe du Monde 2026 avec autant de victoires et un parfait 6 sur 6, octroie, ensuite, à celui qui avait raté le train du Qatar à l’ultime seconde du barrage retour une possibilité légitime de corriger cette bizarrerie en validant le ticket qualificatif pour la prochaine édition. D’autant plus que l’option d’un sans-faute en perspective du prochain mondial dans un groupe de six parait être une mission qui lui conviendrait sur mesure.
Son successeur en tirera profit
D’où l’amertume de l’homme d’avoir été « privé » de la cueillette après avoir tant labouré et tant semé depuis son arrivée à la tête de la sélection. Aussi pensait-il que son immunité populaire lui permettait de lancer dans le bain ivoirien des néophytes à ce niveau pour s’aguerrir, alors que tout le monde est unanime à reconnaître qu’il faudrait encore au moins deux ans aux Farès Chaïbi, Rayan Aït-Nouri, Amine Amoura, Ramiz Zerrouki et autres Badredine Bouanani et Amine Gouiri pour être assez « mûrs » à même de briller en Coupe d’Afrique des Nations. C’est finalement son successeur qui pourra profiter d’une EN clé en main pour la CAN-2025 et la Coupe du monde 2026. Rageant pour Belmadi, n’est-ce pas ?
DJAMEL OUAGLAL