
Que de temps perdu ! Depuis le 8 juin 2020, date à laquelle un rapport-diagnostic a été élaboré par la Fédération algérienne de football, à travers la Direction de contrôle de gestion et des finances (DCGF) présidée alors par Réda Abdouch, et transmis au ministère de la Jeunesse et des Sports, l’épineux dossier du professionnalisme demeure toujours en souffrance. Il a fallu attendre une année soit le 9 juin 2021 pour que le ministre de l’époque, Sid- Ali Khaldi, mette en place une commission mixte MJS – FAF, avec à sa tête, une réputation surfaite, Mohamed Mecherara, pour prendre en charge ce dossier.
Trois ans après, le ministre Abderrazak Sebgag, remplaçant en juillet Sid-Ali Khaldi, (ré)installe une commission mixte MJS – FAF par décision ministérielle n°165 du mardi 7 septembre 2021 présidée cette fois par Ameur Mansoul, l’actuel directeur technique national (DTN) à la place de Mohamed Mecherara, et dont faisait partie entre autres Réda Abdouch, l’ex-président de la DCGF. Cette commission avait pour mission d’établir un diagnostic de l’état du professionnalisme, mission déjà réalisée par la DCGF, et de proposer une série de mesures et de solutions pour y remédier à cette situation auquelle il fait face depuis son avènement en 2010, et ce, conformément à la Loi nationale et aux règlements de la FIFA et de la CAF.
Quelques mois après, cette commission sera élargie à une commission intersectorielle qui finira par transmettre son rapport au ministre Sebgag qui la répercutera auprès du Premier ministère. Toc ! toc ! toc. Et Depuis, plus rien n’a filtré sur les tenants et les aboutissants de ce rapport, et encore moins durant la période d’Abderrahmane Hammad, mis à part la prise en charge de quelques clubs professionnels par des entreprises publiques, comme l’Entente de Sétif, le MC Oran et la JS Kabylie qui viendront s’ajouter à ceux déjà détenus par des fonds publics (MC Alger, USM Alger, CR Belouizdad, CS Constantine et JS Saoura). De l’argent frais sans plus qui a fait le bonheur de quelques créanciers.
Aujourd’hui, avec la venue d’un nouveau ministre des Sports, il est de nouveau question de revoir le dossier professionnalisme et de redonner une nouvelle orientation afin de préserver, en premier lieu, les deniers publics, surtout à travers les dépenses dont les masses salariales des clubs détenus par des entités économiques publiques. Selon la chaîne 3 de la Radio nationale, une première réunion, en présence du nouveau ministre, Walid Sadi, qui a la double casquette d’être en même temps, président de la FAF et des responsables des entreprises détentrices des clubs, aurait eu lieu pour débattre de nombreuses problématiques et mettre en place une nouvelle feuille de route.
Si l’initiative est louable, son mode opératoire laisse interrogatif voire sceptique. Le football professionnel en tant qu’industrie ne fonctionne pas avec des effets d’annonce, mais bien avec une réalité économique dont les composantes favorables pour la mise en place d’un système professionnel sont, malheureusement, absentes. La reprise en main du dossier professionnalisme par le MJS, qui n’est pas une tutelle directe sur des entités économiques soumises à d’autres contingences et règles, à un registre de commerce et à un environnement purement commercial, ira jusqu’à quelle limite ?
Le MJS enfonce en réalité des portes ouvertes puisque la législation en vigueur a déjà cerné le cadre réglementaire et contextuel d’un club professionnel à travers les 19 critères éligibles, que la DCGF avait déjà commencé à appliquer en 2019-2020, ce qui a d’ailleurs amené les clubs à s’y conformer, notamment en présentant leurs bilans des cinq derniers exercices. Une mission qui a été délicate pour la plupart d’entre eux, mis à part le Paradou AC, la JS Saoura, l’USM Alger et à un degré moindre le MC Alger et le CS Constantine.
Les clubs n’ont de solutions que de s’appuyer sur l’aide de l’Etat, puisque les droits TV, rudimentaires, ne sont payés qu’au compte-goutte par l’EPTV, la billetterie est également dérisoire avec un prix des stades très bas, des huis clos et des retards de paiement qui se chiffrent à des mois voire à des années (demandez
au MCA l’ardoise que l’OCO doit lui payer). Le merchandising est quasi inexistant à cause d’un marché parallèle envahissant, restent les sponsors où les clubs ne sont pas classés à la même enseigne. Les revenus de transferts à géométrie variable et leurs corolaires des primes de formation et de mécanisme de solidarité mis en place par la FIFA ne profitent qu’à de très rares clubs, hormis le Paradou AC.
Autre élément qui risque de relever de l’utopisme, ce sont les contrats déjà engagés que les clubs ne peuvent remettre en cause d’ici l’échéance du 31 janvier 2025, donnée par le MJS pour établir un «nouveau plan
de bataille» pour le professionnalisme au risque de se retrouver en contentieux vis-à-vis de la FIFA. Tout comme le retour aux centres de formation et autres académies (tiens, tiens !), qui nécessitent une préparation de plusieurs mois, à la limite pour le début de la saison prochaine 2025- 2026. Car on voit mal comment les clubs pourront réaliser des plateaux de détection pour les différentes catégories « exigées » (U11, U13 et U15) ? Et comment engager des staffs spécialisés pour ces catégories ?
Il s’agit également de trouver les infrastructures pour les accueillir et leur assurer un cursus où le volume d’entraînement nécessite la disponibilité de terrains à plein temps et durant toute la semaine, sans compter le lancement d’appels d’offres pour les différentes prestations et services que vont générer ces projets. Et ce n’est pas tout. Aussi reviendra- t-on, certainement sur ce sujet, surtout en matière de constat et de l’échec occasionné à travers les deniers dépensés depuis 2010, les dettes fiscales et parafiscales engendrées, sans qu’aucun contrôle ne soit fait par ceux censés accompagner la professionnalisation du football en Algérie, et également les solutions, les vraies, loin des effets d’annonce qui ne feront que reculer les échéances et compliquer davantage ce dossier déjà complexe.
– LAFORADSSE