
Dans un livre sur la Coupe d’Afrique du Nord durant l’époque coloniale*, l’auteur raconte quelques anecdotes qui montrent l‘extraordinaire soutien apporté par les supporters bénévoles du Mouloudia d’Alger à leur club. Ainsi, il fait découvrir aux lecteurs qu’au début des années 1930, les dimanches après la prière du Fadjr, les supporters parcourent, à pied et en tout temps, des kilomètres pour atteindre la forêt de Baïnem. Ils portent sur leurs frêles épaules le sac de chaux, les poteaux de but et de corners et se rendent dans un immense terrain vague. Là, ils tracent à la chaux les limites réglementaires du terrain de jeu avec une ficelle et une chaîne d’arpenteur, installent les barres transversales et les poteaux de touche.
Ces tâches accomplies, ces supporters vivent le match au rythme de leur équipe, assis sur des cartons ou des boîtes tout le long des lignes de touches. Déçus ou joyeux, en hiver la nuit tombante, sous la pluie, ils refont à la fin du match le chemin inverse. Ce soutien inébranlable fait qu’en 1935, le Mouloudia d’Alger accède en division d’honneur après trois matchs de barrage héroïque contre l’Olympique Marengo dont le dernier remporté par 2-1 à El Affroun. Des supporters ont parcouru les 60 km à pied dans la fraîcheur de la nuit. Mais beaucoup d’entre eux le suivront de l’extérieur du stade à l’écoute des clameurs. Les tribunes affichaient déjà complet au lever du jour.
Ce rappel historique n’est pas fortuit, notamment pour les moins de quarante ans qui ne connaissent pas les problèmes rencontrés par les clubs musulmans durant la longue nuit noire du colonialisme. Samedi, lors du match contre Al-Hilal d’Omdourman (0-1), au stade du 5-juillet, pour le compte de la phase de poules de la Ligue africaine de football, les supporters du Mouloudia ne sont pas dans les tribunes. Pourtant, ils ne les ont pas désertées. Un huis clos a été imposé à leur équipe qui a fini par avantager l’adversaire. Mais au-delà du résultat, ils ont été victimes de l’incivilité de quelques énergumènes qui, par leur comportement, n’ont pas été à la hauteur de ceux qui «les dimanches après la prière du Fadjr….». Ils ont failli.
LAFORDASSE
*La fabuleuse histoire de la Coupe d’Afrique du Nord (1930-1956) ou les carnets secrets de la Mauresque. Ahmed Bessol Lahouari – Media – Sport Editions.