Algérie

Drame : Les morts de trop du football algérien

Mohamed Malik

Ils s’appellent Youcef Amghouzi et Sofiane Moulay, tous deux supporters du Mouloudia d’Alger, ayant perdu la vie à la fleur de l’âge dans un stade de football. Comment peut-on encore mourir dans une enceinte sportive ?

La saison du Mouloudia d’Alger a débuté dans la douleur et la tristesse et elle s’est terminée dans la même atmosphère. Lourde et inquiétante pour l’avenir de nos supporters dans les stades de football, des espaces censés offrir des moments de détente et de joie pour des milliers de jeunes.

Il s’appelait Walid Bouaziz, il avait 23 ans, et dont l’unique tort c’est d’être amoureux de son club, le Mouloudia d’Alger comme le sont des dizaines de milliers de jeunes, et de s’être déplacé en ce samedi 21 septembre 2024 au tout flambant neuf stade Ali La Pointe de Douéra qui ouvrait ses portes pour la première fois à l’occasion du match-retour du second tour préliminaire de la Ligue des Champions africaine opposant son club fétiche aux tunisiens de l’US Monastir.

Malheureusement, cet événement, censé être historique et festif pour le doyen et pour le football algérien en général, a tourné à la catastrophe que nul ne pouvait présageait, et pire, au décès tragique de ce jeune supporter qui a chuté, dit-on, d’une tribune supérieure de cette enceinte fraichement inaugurée par le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune. Avant lui, un autre supporter du MCA, Yassine Seghiri (décédé le 23 mai 2024), et après lui Sofiane Ramadane (décédé le 19 avril 2025), également fan du Doyen ont trouvé la mort.

Et neuf mois après le drame et les graves incidents de Douéra ayant conduit à la fermeture de ce stade à ce jour, et au moment où l’arbitre de la rencontre MC Alger – NC Magra sifflait la fin des débats en cette ultime journée de championnat donnant le coup d’envoi des festivités pour un titre hautement acquis par le vieux club algérois, c’est de nouveau la tragédie. Malheureusement.

Plusieurs supporters chuteront de la tribune supérieure du stade du 5 juillet 1962 pour atterrir dans celle de la presse, avec un bilan jusqu’ici lourd : deux victimes et une douzaine de blessés. Dans un premier temps, de la protection civile, annonça un premier décès, celui du jeune Youcef Amghouzi, ainsi qu’une douzaine de blessés.

Mais ce matin, un second décès est constaté, celui de Sofiane Moulay, que Le-Tout-Puissant puisse les accueillir, tous les deux, dans Son Vaste Paradis. C’est en tous les cas la totale en matière d’horreur, avec in fine la mort tragique de jeunes algériens, des énièmes victimes dans un stade de football, dont les parents, les proches et les amis sont inconsolables.

Quelques instants après ce drame, le Président de la république, Abdelmadjid Tebboune a publié sur son propre compte un message de condoléances et de soutien à la famille du premier disparu, ainsi qu’à toute la famille mouloudéenne, endeuillée encore une fois en l’espace de quelques mois seulement.

Selon la télévision algérienne, le chef d’Etat a chargé le ministre de la santé, son homologue de la jeunesse et son conseiller responsable de la communication ainsi que les secrétaires généraux des ministères de l’intérieur et des sports à l’effet de se déplacer et de s’enquérir de l’état de santé des supporters blessés, évacués aux différents hôpitaux, notamment celui de Beni Messous, à Alger.

Evidemment, dans pareilles circonstances, les condoléances et les messages attristés pleuvent de partout, mais, ce que l’opinion veut et doit savoir, ce sont les circonstances de cet incident tragique, à l’issue d’une enquête ouverte par les services concernés, appelée à mettre toute la lumière sur ce énième drame dans nos stades.

Une enquête qui devrait situer éventuellement les responsabilités et les responsables, directement ou indirectement impliqués, dans cet événement qui a vite tourné au cauchemar. D’autant, que des images ont fait la tournée de la Toile, montrant l’état des balustrades des tribunes supérieures, rongées par la rouille, et donc pouvant céder à tout moment sous le poids de supporters enthousiastes.

Ce n’est pas la première fois que nos stades soient des tombes

Rappelons également que ce n’est pas la première fois que cela arrive. En 2013, deux supporters de l’USM Alger, sont décédés après avoir chuté du haut des tribunes supérieures du stade du 5 juillet 1962, après l’effondrement d’un morceau de la tribune n°13 lors d’un derby algérois contre le voisin Mouloudéen.

A l’époque, la thèse du décès a été mise sur le dos des deux pauvres supporters qui étaient en train de sauter avant que le sol ne cède faisant un trou béant d’1m70. Mais on ne dira jamais que si le bitume a cédé, c’est qu’on a enlevé les sièges en bois, ce qui a laissé l’espace libre aux éléments naturels (pluie, soleil) pour faire leur travail sur la durée et aux supporters d’en payer les conséquences en sautant …

Comment peut-on encore mourir à la fleur de l’âge dans un stade de football en Algérie ? Une question lancinante qui reste posée, tant que la problématique de gestion des infrastructures sportives et l’organisation des événements sportifs ne sont pas réellement bien pris en charge par les départements ministériels et les instances chargés de ce secteur vital.

Il est temps que l’on en finisse avec ce visage hideux du football algérien que l’on projette devant toute la planète, avec son lot d’organisation chaotique, de débordements, et autres dérives, que l’on constate chaque week-end et lors des événements sportifs.

Si l’Etat a consenti de gros efforts d’investissement, en dotant le pays de stades et d’infrastructures aux standards internationaux, l’effort devra être encore plus grand et plus soutenu en confiant le secteur à de véritables compétences et à des managers éclairés de haut rang pour espérer valoriser ce double potentiel que sont la ressource humaine, incarnée par cette jeunesse débordante d’énergie et de vie, et des infrastructures de base, mieux gérées, bien entretenues et excellement rentabilisées.

Dernier bilan de ce drame : 3 morts et 81 blessés (38 blessés à l’hôpital Beni Messous, 27 à l’hôpital Ben Aknoun et 16 autres à l’hôpital Bab El Oued) a indiqué un communiqué du ministère de la santé. 6 blessés sont toujours sous surveillance médicale a ajouté la même source.

 

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