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ALG : Le DAT intouchable… La gestion financière interrogée (dossier)

PAR MALIK MOHAMED

En 2015, la Fédération algérienne de football a décidé de faire l’impasse sur les subventions annuelles des pouvoirs publics. Une année après, elle décide de bloquer 450 MDA en dépôt à terme sur un compte spécial. Est-ce logique aujourd’hui pour une association qui veut grandir et dont les dépenses ne font qu’augmenter de manière exponentielle ? PAR MALIK MOHAMED

Lors d’une réunion du Bureau fédéral, tenue le 14 octobre 2015, la Fédération algérienne de football avait annoncé sa décision de renoncer définitivement aux subventions des pouvoirs publics, suscitant surprise et étonnement au sein de la famille du football et même dans le monde du sport algérien. Comment une fédération, qui est à la base une association régie par les mêmes lois et règlements que les autres associations, puisse se permettre de faire l’impasse sur la manne la plus importante attribuée par les pouvoirs publics pour le développement du sport en Algérie ? Cette subvention annuelle est de l’ordre de 350 MDA (35 milliards de centimes).

Un sommeil de cinq ans dans un compte spécial
La FAF de l’ex-gestionnaire, Mohamed Raouraoua, avait décidé de laisser d’abord dormante cette manne durant cinq ans (de 2010 à 2015) dans un compte spécial, avant d’y renoncer définitivement. Ainsi, l’ancien et puissant patron de la fédération a finalement privé le football algérien d’une somme de 1 750 MDA (soit 175 milliards de centimes) – au dinar coûtant de l’époque.
Cette somme aurait pu servir pour répondre aux besoins du football amateur, au développement, à la participation des jeunes sélections à des tournois internationaux pour se frotter aux meilleurs et progresser, et bien d’autres dépenses structurantes. Aussi, les explications fournies à l’époque n’ont pas convaincu grand monde, même si la FAF s’est défendue d’avoir passé de gros contrats de sponsoring et de partenariat et qu’elle aspirait à une autonomie financière.
La FAF considérait que le montant de la subvention était loin de ses aspirations et de ses gros besoins, mais des observateurs éclairés estimèrent que l’instance fédérale cherchait à éviter le contrôle sur toutes ses rentrées, tout en suivant à la lettre les directives de la FIFA sous Sepp Blatter, à savoir : ne rien céder en matière d’autonomie et d’indépendance.

Scandales financiers à la FIFA
Une FIFA qui a été rattrapée, quelque temps après, par des scandales financiers et a vu la déchéance de son président, Sepp Blatter, sombrer dans des affaires en justice. Quant à la FAF, au même titre que les autres fédérations, son fonctionnement est bien encadré car consacré par la loi, agissant par délégation d’un ministère de tutelle qui lui procure également
des missions d’utilité publique.
Le ministère pouvait contrôler toute fédération et à tout moment, même s’il s’agit de financements issus de sources privées ou provenant des instances internationales, comme la FIFA et la CAF. On l’a bien constaté récemment, lorsque la FAF de Walid Sadi a sollicité une équipe de l’IGF (Inspection générale des finances) pour passer au peigne fin la gestion financière de l’instance fédérale de 2017 à 2023.                                                                                                                                                                 Y compris sur des dossiers qui ne relèvent pas d’un financement du trésor public ou d’une entité économique publique, comme ‘’l’affaire’’ de l’équipementier adidas. Finalement, quelle que soit ‘’l’autosuffisance financière’’ à laquelle peut arriver la fédération, cette dernière ne peut pas se passer d’une manne supplémentaire, d’autant que la grande famille du football et les démembrements de la fédération (ligues, clubs, écoles, …) ont toujours besoin de financement.

Crise financière au sein du football national                                                                                              N’a-t-on pas assisté à chaque début de saison à ce que de très nombreux clubs des divisions inférieures n’aient même pas de quoi payer leurs frais d’engagement ou leurs assurances, voire se procurer de simples équipements à leurs différentes catégories ? N’a-t-on pas vu des clubs abandonner avant même la fin du championnat à cause de crise financière ou croulant sous des dettes, car ils n’ont pas pu bénéficier de subventions suffisantes ou à temps de la part des collectivités locales ? Par ailleurs, il est utile de souligner que le décret exécutif n°14-330 du 27 novembre 2014 fixant les modalités d’organisation et de fonctionnement des fédérations sportives nationales ainsi que leurs statuts-types stipule dans son article 32 qu’un ‘’montant de 20%, au moins, de chaque subvention accordée à la fédération par l’État et les collectivités locales doit être affecté à la formation des jeunes talents sportifs’’.

Une manne qui aurait aidé à construire 10 centres de formation                                                               La FAF a refusé une manne de quoi construire 10 centres de formation. Cela signifie qu’en une décennie (2010 et 2020), la fédération a ‘’snobé’’ un montant de 3 500 MDA (350 milliards de centimes) et surtout privé le secteur de la formation des jeunes talents d’un apport de 700 MDA (70 milliards de centimes) ! Sur une décennie, 70 milliards de centimes auraient pu prendre en charge deux académies qui, elles, auraient formé une centaine de jeunes footballeurs, toutes charges comprises. Une grosse perte pour le football algérien, d’autant qu’aucune fédération dans le monde, quelle que soit sa bonne santé financière, ne peut tourner le dos aux aides de l’État ou aux apports des pouvoirs publics. Le financement du football ne se limite d’ailleurs pas à la sélection nationale A ou aux autres sélections, mais devra profiter à toutes les associations ainsi qu’au fonctionnement, à l’entretien et à la mise à niveau des infrastructures sportives.

Le futsal, le beach soccer, le foot féminin délaissés                                                                             Quand on sait que des disciplines comme le futsal, le beach soccer et le football féminin sont toujours à la traîne en Algérie, il y a de quoi se poser des questions sur les motivations de cette décision relative au renoncement de la subvention de l’État, si ce n’est d’éviter un contrôle de l’État, comme c’est le cas pour ce compte en devises ouvert auprès de la CAF, au Caire, qui a échappé à tout contrôle à ce jour. Aujourd’hui, mis à part le MC Alger, qui dispose de son propre centre d’entraînement, construit par une filiale du Groupe Sonatrach, et le Paradou AC, qui finance la construction de son centre sur des fonds propres, tous les autres clubs de la Ligue 1 n’ont toujours pas leurs infrastructures. Pourtant, en 2010 avec l’avènement du professionnalisme, le dossier de financement des clubs prévoyait la prise en charge par l’État du financement de la construction des centres de formation à hauteur de 300 MDA (30 milliards de centimes) par centre.

Mohamed Raouraoua n’a pas assuré le développement du football                                                            En d’autres termes, au risque de se répéter, la manne refusée par la FAF aurait pu servir à la construction d’au moins une dizaine de centres à partir des subventions annuelles attribuées par le ministère de la Jeunesse et des Sports. Sans oublier les 4 000 MDA (400 milliards de centimes) reçus de la part du Président de la République, au lendemain de la qualification de l’équipe nationale pour la Coupe du monde de 2010. Tout compte fait, la FAF, sous le règne de Mohamed Raouraoua, a laissé tomber le développement du football qui est l’unique moyen pour assurer la pérennité de la discipline au profit de la loi FIFA, dite de Bahamas, consistant à récupérer les produits de la formation étrangère, et plus particulièrement française, et d’un projet de construction d’un hôtel devenu avec le temps objet d’une véritable guerre d’intérêt qui a provoqué une fracture fratricide au sein de la famille du ballon rond algérien.

450 milliards qui dorment depuis presque 10 ans
A chaque fin d’exercice, la FAF exhibe ‘’fièrement’’ dans son bilan financier le fameux sacro-saint et intouchable DAT d’un montant de 4 500 MDA (450 milliards de centimes) qui demeure inchangé
depuis l’exercice 2016. Ce DAT (Dépôt à terme ou Compte à terme, CAT) est un compte d’épargne à capital garanti, c’est-à- dire sans risque de perte de capital, où l’argent déposé est bloqué sur un compte jusqu’à ce que la durée déterminée lors de l’ouverture soit écoulée, et qui sera, ensuite, récupéré en intégralité. En attendant, ce DAT génère des intérêts annuels à raison de 5%, dont profite la fédération. Mais durant combien de temps sera maintenu ce DAT et à quelle échéance contractuelle expirera-t- il?

La FAF a comptabilisé le DAT comme créance                                                                                         Placé dans les autres actifs non courants (compte 486000), le DAT a généré au 31/12/2024 un montant de 118 726 027,42 DA (près de 12 milliards de centimes) que la fédération a comptabilisé comme créance dont le risque sera toujours lié à la stabilité financière de cette instance, sans compter l’impossibilité de son alimentation avec des versements ultérieurs et que tout retrait entraînerait automatiquement sa clôture.
Au-delà de ces considérations financières, il a été créé autour de ce DAT une sorte de mystification et de sacralisation, que certains cercles brandissaient comme un épouvantail en face de tout président de fédération qui oserait toucher à ce montant ‘’providentiel’’ décidé par Raouraoua en 2016.

La FAF dépend de l’aide et des sponsors publics
En examinant de plus près le budget prévisionnel de la Fédération algérienne de football pour 2025, approuvé le 1er février dernier lors de l’assemblée générale ordinaire (AGO), celui-ci prévoit des recettes d’un montant de plus de 6 507 MDA (65,07 milliards de centimes), dont pratiquement plus de 85% sont issus de l’argent public.
Et cela , que ce soit directement à travers les subventions du ministère des Sports d’un montant de près de 903 MDA(90 milliards de centimes), soit 14%, ou bien indirectement par le biais du sponsoring (essentiellement Mobilis, les Groupes Sonatrach et Serport) d’un apport autour de 4 500 MDA (450 milliards de centimes), soit 65%, et les droits de retransmission TV (EPTV) d’un montant de 495,35 MDA (49,5 milliards de centimes), soit près de 8%.
Le reste des apports est constitué de recettes diverses, notamment l’équipementier adidas, se situant à 70 MDA (7 milliards de centimes), et d’autres sponsors non identifiés d’un montant de 1 000 MDA (100 milliards de centimes), alors que les recettes des stades sont estimées à 25 MDA (2,5 milliards de centimes).

La « révolution » peut attendre
Les recettes issues des contributions de la FIFA et de la CAF ainsi que des actifs financiers (intérêts DAT) et diverses (droits de recours, participation aux stages,…), elles culminent autour de 523 MDA
(52,3 milliards de centimes).
Face donc à ce tableau de bord des recettes de la fédération, il serait malvenu que cette dernière puisse refuser aujourd’hui les aides et les sponsors de l’État, comme ce fut le cas par le passé, surtout lorsqu’on sait que les dépenses prévisionnelles dépasseraient les 6 106 MDA (610,6 milliards de centimes) pour le même
exercice 2025.
Par contre, une augmentation et une diversification des recettes est toujours attendue, car en dehors du sponsor Chery Algeria (avec Auto Leader Company) et la reconduction de la convention avec le Groupe Sonatrach sur les trois prochaines années (2025, 2026 et 2027), la FAF n’a pas, jusqu’ici, démultiplié ses recettes, comme cela a été annoncé lors des élections de 2023 et de 2025. La ‘’révolution’’ peut donc attendre.

PAR MALIK MOHAMED

 

 

 

 

 

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