
Dans une contribution riche et intéressante, le président du groupe Madar, propriétaire du
CR Belouizdad, et ancien président de la Fédération algérienne de football, Amara Charaf-Eddine, a planté le décor autour des dernières décisions du bureau fédéral relatives à l’intégration des jeunes nés en 2005 dans les équipes professionnelles.
Sous l’intitulé «entre les obligations réglementaires et les solutions durables», Amara Charaf- Eddine a répondu en quelque sorte aux dernières décisions du bureau fédéral concernant les conditions réglementaires en prévision de la prochaine saison 2025/2026, notamment l’exigence faite aux clubs d’incorporer cinq joueurs nés en 2005 au sein de l’équipe première professionnelle tout en leur assurant 450 minutes de temps de jeu. Il ouvre ainsi le débat sur l’équilibre à faire entre la volonté organisationnelle et la réalité pratique imposée par le terrain. Car si tout le monde est unanime à vouloir renforcer la place des jeunes, les mécanismes proposées posent de légitimes interrogations tant sur le plan de leur recevabilité que sur leur impact sur l’environnement footballistique. En quelque sorte, la proposition faite par la fédération via le Collège technique nationale et la direction technique nationale, réunis la veille du bureau fédéral, est certes ambitieuse, mais elle est loin de correspondre à la réalité car elle fait face à plusieurs obstacles.
Précipiter l’intégration des jeunes
Obliger un quota de joueurs d’une génération précise avec un temps de jeu précis, c’est méconnaître les priorités sportives et stratégiques des clubs, des entraîneurs, surtout lorsque les clubs sont sous la pression des résultats immédiats, amenant ces entités à ne pas négliger le rendement au détriment d’une instruction administrative. Dans sa réflexion, Charaf-Eddine fait part également des considérations contractuelles qui ont obligé les clubs participant aux joutes africaines interclubs à engager des joueurs pour au moins deux ans, voire plus (jusqu’à 2027 et 2028), qui, aujourd’hui, ne peuvent être remis en cause pour les remplacer par des éléments plus jeunes. Cela menacerait même les équilibres sportifs et financiers de ces clubs. Un troisième élément, loin d’être négligeable, c’est celui de précipiter l’intégration de ces jeunes sans une bonne préparation, ce qui les exposerait à des risques de ratages et à compromettre leur évolution naturelle et graduelle, sachant que chaque joueur a sa propre courbe de progression.
Pour des mécanismes incitatifs et une intégration durable Amara Charaf-Eddine ne s’arrête pas au seul stade du constat et de l’analyse, mais va plus loin en proposant des solutions structurelles et des programmes durables construits sur des mécanismes incitatifs et encourageants, comme les prêts des jeunes joueurs pour les clubs de Ligue 2 par exemple, leur permettant une meilleure intégration et une accession progressive dans le monde professionnel. Intégrer les équipes réserves dans les championnats régionaux est une manière aussi de leur offrir une compétition organisée et une projection vers l’élite. Autre élément valorisant, celui de renforcer les aides et l’accompagnement incitatif aux clubs formateurs à travers des primes d’encouragement, surtout lorsque ces derniers intègrent un taux appréciable de jeunes dans leurs effectifs seniors, et contribuer à doter ces clubs d’une base infrastructurelle leur permettant d’asseoir une politique sportive et économique rentable.
Renforcer les capacités des jeunes talents
Créer un environnement favorable entre les clubs et susciter les passerelles entre ces derniers pour améliorer la qualité des échanges sur le double plan des ressources et des savoir-faire, est une piste qu’on peut inscrire aisément dans la démarche globale. Si les dernières décisions expriment une volonté de renforcer les capacités des jeunes talents, comme l’élargissement des programmes de détection et des échanges entre les clubs, d’autres choix stratégiques peuvent poser des problèmes à l’image des contrats internationaux à court terme liés à la recherche de résultats immédiats, mais qui favorisent la marginalisation des joueurs locaux. Aussi, la suppression de la catégorie Réserve, même si elle est argumentée dans un sens, peut, par contre, créer un vide et une déperdition des jeunes si elle n’est pas accompagnée et encadrée par des mesures adéquates, comme les prêts facilités et organisés.
Pour l’adoption d’indicateurs transparents et mesurables Le patron de Madar invite l’ensemble des acteurs à une réflexion collective pour trouver les meilleurs moyens de concilier entre la compétition / la performance et la construction d’un avenir prometteur. Au lieu d’évoquer des tiraillements de part et d’autre, la situation montre plutôt, selon Charaf-Eddine, une dynamique positive qui a juste besoin de régulations subtiles à même de faire adapter le discours aux procédures. A la FAF d’adopter des indicateurs transparents et mesurables, tels que la conservation des clubs de leurs joueurs et de leurs staffs techniques locaux, les budgets consacrés à la formation et au développement, …) afin de transformer les vœux pieux en résultats concrets sans compromettre ou remettre en cause les efforts consentis par tous ceux qui sont sur le terrain. La génération 2005 et celles qui vont venir méritent plus qu’une intégration forcée et improvisée. Le refus de la proposition du Collège technique ne doit pas être aussi compris comme un recul, mais une opportunité capable de reformuler un modèle bâti sur la confiance, la progression et les solutions innovantes.
Le Real, le Barça et le PSG n’ont pas attendu les «décrets» Aux clubs, avec l’appui de la fédération, à travers des instruments et des mécanismes volontaristes et réalistes, de permettre le passage intelligent et prometteur des jeunes Supprimer le championnat de la Réserve, décision incomprise Comment deux entités formées de tous les techniciens algériens, dont des sélectionneurs, licenciés en CAF Pro (diplôme le plus élevé) et directeurs techniques, ont-elles accepté une décision «administrative», celle de supprimer la Réserve et le championnat de cette catégorie ? Au moment où dans certains pays, cette catégorie compte un championnat bien structuré (en Angleterre la compétition U21 compte 26 clubs) ou bien qu’on songe à renforcer cette catégorie Réserve et la passer au statut professionnel, nos techniciens ont décidé du contraire. Ont-ils réfléchi à la déperdition et à la disparition même dans la nature de tous ces U23 ? Ont-ils aussi réfléchi sur comment devront-ils former une sélection de cette catégorie, notamment lorsqu’il s’agira de se qualifier pour les Jeux olympiques où l’Algérie n’a connu que deux participations depuis l’indépendance (1980 à Moscou et 2014 à Rio de Janeiro) ? Nos valeureux techniciens ne se sont pas posés la question, par ailleurs, sur l’avenir des U20 pour et la complexité de les faire monter à l’étage au-dessus, celui des pros, quand on sait que la fédération et la Ligue de football professionnel ont autorisé la possibilité de recruter cinq joueurs étrangers, ramenés à quatre dès le prochain exercice ?
5 joueurs U20 en équipe première, est-ce la solution ? En absence d’une véritable politique de développement et une stratégie de formation, les U20 auront du mal à s’imposer, nonobstant le côté «business» qui prendra le dessus sur l’intérêt des jeunes et leur avenir. Pour parer à cette situation ubuesque, la Fédération a décidé, avec le consentement du duo DTN – CTN, d’exiger aux clubs, comme ce fut le cas en 2009/2010, la présence de cinq joueurs U20 (nés en 2025). Oubliant que les clubs, sont des entités professionnelles, qui chercheront, chacune ses intérêts dans un cadre de libre entrepreneuriat et de management sportif. Ce qui est certain, c’est que la qualité n’a pas d’âge, et un club comme le Paradou AC n’a jamais hésité d’aligner l’effectif le plus jeune de la Ligue 1 compte tenu de la qualité de ses joueurs, tout comme le Real, le Barça ou le PSG qui dominent le secteur de la formation, tout en étant au sommet de la politique des stars.
MOHAMED MALIK