CM : Le Mondial du monde… et des équipes arabes
Envoyé spécial NAZIM BESSOL à Doha

En accueillant la 22e édition de la Coupe du Monde de la Fifa Qatar-2022, la première à avoir lieu dans un pays arabe et dans le Moyen-Orient, le Qatar n’a jamais caché sa volonté de lui donner une dimension arabe. De l’Envoyé spécial de Botola, NAZIM BESSOL, à Doha
Une volonté affichée et affirmée par Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, l’Émir de Qatar, lors de la cérémonie d’ouverture de la Coupe du Monde FIFA, Qatar-2022. «Au nom de Dieu le Tout-Puissant, le Très Miséricor- dieux. De Qatar, la patrie des Arabes, je souhaite la bienvenue à tout le monde à l’occasion de la Coupe du Monde 2022», a lancé le souverain dans un stade Al-Bayt (la maison) qui affichait complet le 20 novembre dernier. Une enceinte ultra moderne inspirée des tentes traditionnellement utilisées par les peuples nomades du Qatar et de la région du Golfe. Si Al Anabi (surnom de l’équipe du Qatar) champion d’Asie en 2019, n’a pas été à la hauteur des espérances et des attentes placées en lui, les trois autres formations arabes l’Arabie Saoudite, le Maroc et la Tunisie, ont, elles, montré un tout autre visage. Quali- fié d’office en tant que pays hôte, le Qatar aurait certainement pu mieux faire, s’il avait mieux négocié son entrée en la matière. Tétanisés lors du match d’ouverture, les hommes de l’espagnol Felix Sanchez ont enregis- tré trois défaites, lors des trois matchs de la phase de groupes.
La sensation Arabie Saoudite
Battus par l’Équateur (2-0), puis par le Sénégal (1-3) et enfin les Pays Bas, le onze national du Qatar quitte «sa» compétition sans avoir enregistré le moindre point. Jamais une nation hôte n’a perdu ses trois matches. Un crash amorti dès le troisième jour de la compétition par l’Arabie Saoudite. Les «Faucons», beaucoup plus aguerris, plus expérimentés (6e participa- tion en Coupe du monde), ont fait sensation le 22 novembre dernier en battant l’ogre argentin avec son septuple ballon d’or Lionel Messi (2-1). Les hommes du technicien français, Hervé Renard (54 ans), champion d’Afrique en 2012 avec la Zambie, la Côte d’Ivoire en 2015 et mondialiste en 2018 avec le Maroc, ont sonné la révolte des Arabes. Une victoire célébrée durant des jours dans tout le monde arabe et qui a surtout montré la voie aux équipes «sœurs» et même au-delà. Tout le monde, particuliè- rement les « petites » équipes, s’est inspiré de cet exploit pour aborder ce tournoi. De Felix Sanchez à Walid Regragui, le sélectionneur du Maroc, en passant par Rigobert Song, celui du Cameroun, tous ont été unanimes à saluer la performance de l’Arabie Saoudite et à la citer comme exemple.
L’exploit du Maroc… et de la Tunisie
Avant d’aborder le second match des Lions de l’Atlas, face à la Bel- gique d’Eden Hazard et de Kevin De Bruyne, le technicien marocain n’a pas hésité à rappeler que son équipe devait s’inspirer de ce qu’avait fait l’Arabie Saoudite. Un exemple suivi à la lettre, puisque les coéquipiers de Hakim Ziyech ont accroché les Diables Rouges à leur tableau de chasse. Cinq jours après la victoire de l’Arabie Saoudite sur l’Argentine, le Maroc, qui avait joué d’égale à égale face aux vice-champions du monde en titre la Croatie lors du premier match (0-0), s’imposait devant la Belgique (3e de la dernière édition) et entrevoit les 8es de finale. Enfin, le troisième représentant arabe, la Tunisie, n’est pas en reste. Bien que dans une position plus compliquée que l’Arabie Saoudite, les Aigles de Carthage n’ont pas flanché face à deux adversaires réputés difficiles à jouer. Les hommes de Jalal Kadri se sont aussi illustrés en imposant le partage des points à la robuste équipe du Danemark avant de s’incliner par la plus petite marge face à l’Austra- lie (1-0). Ils ont réussi l’exploit de battre (1-0) le champion du monde, la France, mais c’était insuffisant pour se qualifier.
Waël Gomâa : «La victoire de l’Arabie Saoudite a été un élément déclencheur»
Des résultats jamais enregistrés par les représentants des pays arabe en 22 édi- tions de Coupe du monde. Interrogé sur cette belle dynamique des ambassa- deurs arabe au Qatar, l’ancien capitaine des Pharaons d’Égypte, Waël Gomâa, triple champion d’Afrique (2006, 2008, 2010), affirme qu’elle est aussi dû à la victoire de l’Arabie Saoudite face à un des grands favoris pour le sacre finale, l’Argentine du sextuple Ballon d’Or, Lionel Messi. «La victoire surprise de l’Arabie Saoudite face à l’Argentine a été un élément déclencheur pour les autres équipes, notamment les pays présents ici. Elle leur a donné beau- coup d’espoir et de la détermination», explique l’ancien Pharaon, rencontré à Doha, quelques heures avant le coup d’envoi des matchs de la soirée. Plus que l’exploit ou le one shoot, c’est la maî- trise et la répétition des matchs de haut niveau que démontrent les «petites» nations et notamment les équipes arabes qui interpellent. Une lecture confortée par le sélectionneur des champions d’Afrique 2022, Aliou Cissé.
Aliou Cissé : «Faire comme le Maroc»
«L’objectif est de faire comme le Maroc que nous félicitons. C’est une très belle victoire contre la Belgique. Cela peut être une source d’inspiration pour nous dans la mesure où il nous faudra impérative- ment gagner», expliquait le technicien Sénégalais, Aliou Cissé, en conférence de presse, avant d’affronter L’Équateur pour le compte de la troisième journée du groupe A. Cependant, si les résultats du voisin ou du pays frère en terre arabe constituent à coup sûr une source de motivations supplémentaires, ils ne sau- raient en être la seule explication. Il y a bien évidement un gros travail en amont et des choix qui finissent par porter. Dans le cas du Qatar, le pays hôte a opté pour une sorte d’incubateur de talents regroupés à longueur des années et qui ont grandi ensemble, sous la conduite du même coach et encadrement. Son apo- gée aura été le titre asiatique, en 2019, et une demi-finale de Coupe Arabe de la FIFA, en 2020. Un palmarès insuffisant pour gravir la marche suivante. L’Arabie Saoudite, elle, a opté pour «le sorcier blanc», Hervé Renard, qui est venu ap- porter toute son expérience dans la ges- tion d’un groupe et des tournois.
La Tunisie et le Maroc optent pour la diaspora
L’homme à la chemise blanche n’est pas parti du néant, mais a perfectionné une organisation déjà existante et ap- porté une rigueur qui a souvent man- qué à l’Arabie Saoudite, un habitué de la Coupe du Monde (4e participation consécutive). Concernant les deux représentants maghrébins, la Tunisie et le Maroc, ils ont opté, comme l’Algé- rie championne d’Afrique 2019, pour la compétence issue de sa diaspora, notamment les joueurs. Au Qatar 16 % des joueurs présents portent les couleurs d’un pays qui n’est pas celui de leur lieu de naissance. Avec 14 joueurs porteurs d’une autre nationalité, le Maroc est la sélection avec le plus de joueurs nés et formés hors du Royaume, elle est suivie par la Tunisie qui en compte 11. Mais en plus de cet apport, la qualité des tech- niciens, à la tête de ces sélections et l maîtrise de l’environnement et des codes, c’est tout aussi capitale. En effet, depuis 2004 et le changement de nationalité sportive de l’Algérien Antar Yahia, premier joueur à bénéficier des nouvelles dispositions de la Fifa, nom- breux sont les sélectionneurs locaux ou étrangers qui se sont succédé à la tête des équipes nationales au Maghreb.
Faire comme l’Algérie au Mondial-2014
Peu ont réussi à marquer leur passage à l’exception du Français Roger Lemerre, vainqueur de la CAN-2004, avec la Tunisie devant le Maroc entraîné par la légende Badou Zaki. Vahid Halilhodzic a réussi à hisser l’Algérie en 8e de finale de la Coupe du monde 2014, au Brésil, avant de qualifier le Maroc pour l’édition actuelle, alors qu’Hervé Renard avait fait de même, en 2018, avec les Lions de l’Atlas. Depuis 2019 et le sacre de l’Algérie de Djamel Belmadi en Coupe d’Afrique en Égypte, devant le Sénégal d’Aliou Cissé, la priorité est donnée aux jeunes coaches locaux ou aussi issus de la diaspora. La métamorphose du Maroc en un temps record, sous la conduite de Vahid Halilhodzic, en est la parfaite illustration. Les joueurs de la nouvelle génération, habitués à un certain mode de fonctionnement en club, le retrouvent aujourd’hui en grande partie en sélection. Fini, les entraîneurs au discours paternaliste des entraîneurs à l’ancienne, ces joueurs ont aujourd’hui affaire à des coaches qui parlent le même langage qu’eux avec une folle envie d’hisser hautles couleurs du pays.
– NAZIM BESSOL
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