
Face à l’absence des Fennecs des compétitions du Mondial, les Algériens tentent comme ils peuvent de surmonter ce drame. Par Adlene Meddi, correspondant du magazine LE POINT à Alger
«L’équipe de football d’Algérie n’est pas présente dans la compéti- tion du Mondial du Qatar, mais ses supporteurs sont bien là !» Le com- mentaire de ce journaliste à partir de Doha accompagne les nombreuses vidéos tournées aux quatre coins de la capitale de l’émirat et aux abords des stades, mais aussi dans les tri- bunes, où les supporteurs algériens font la fête, drapeaux de leur pays déployés. «Ils ont même réussi à s’imposer dans une célébration des supporteurs argentins, pourtant très forts quand il est question de faire la fête», témoigne un autre journa- liste sur place. «Des supporteurs al- gériens sont bien présents au Qatar, affichant fièrement leurs couleurs tout en mettant une belle ambiance dans la capitale qatarie. De quoi faire honneur à la réputation des fans des Fennecs, qui sont abso- lument partout dans le monde», rapporte le média Onze Mondial. Même le sosie algérien de Zinédine Zidane, star des réseaux sociaux, a fait le déplacement au Qatar pour «représenter l’Algérie». Le fameux slogan « One, two, three, viva l’Al- gérie » retentit donc au Qatar, mal- gré le drame de l’absence des Verts.
«C’est dommage, mais c’est comme ça»
«À part le Sénégal, où il n’y a pas Mané, la meilleure nation n’est pas à la Coupe du monde, et c’est l’Algérie», avait lancé le chroniqueur sportif et ancien joueur français Jérôme Rothen. «Par rapport à ce qu’ils ont mis en place avec Belmadi depuis pas mal d’années, l’Algérie a grandement progressé. Le continent africain doit s’inspirer de ce qu’ils font. S’ils avaient été là, ils auraient contrarié certaines équipes», a-t-il poursuivi sur le plateau de RMC. Même le Président algérien, Abdelmadjid Tebboune, invité à la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde, s’est exprimé sur le sujet, se montrant fataliste : «Le destin a voulu ça, c’est dommage, mais c’est comme ça». L’équipe algérienne a raté sa quali- fication pour le Mondial, le 29 mars dernier, face au Cameroun, lors d’un match qui a créé une grosse polémique quant à l’arbitrage du Gambien, Bakary Gassama, au point que l’entraîneur algérien, Djamel Belmadi, n’a pas hésité à accuser l’arbitre d’avoir faussé les résultats de la rencontre. «Il a volé notre espoir. Je ne dis pas qu’il faut le tuer, mais il ne faut pas le laisser tranquille», avait même menacé Belmadi. La Fédération algérienne de football (FAF) a déposé un recours à la Fifa, qui a finalement été rejeté. Un épisode qui a tenu en haleine des millions de supporteurs convaincus que le match allait être rejoué. En vain. Le rêve du Mondial s’est inéluctablement éloigné des champions d’Afrique 2019 et de la Coupe arabe 2022.
Les Fennecs ne font plus rêver
Aujourd’hui, une des dernières chansons du foot algérien en vogue sur les réseaux sociaux, interprétées par deux youtubeurs, répète bien «Gassama, tu as fait pleurer ma mère», mais, au-delà du fatidique match Algérie-Came- roun, il semble bien que la magie des Fennecs, invaincus jusque-là, n’agisse plus. En janvier dernier, les Verts sont éliminés par la Côte d’Ivoire (3-1) dès le premier tour des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations. Un choc ! Et récemment, lors de deux matchs amicaux, contre le Mali et contre la Suède, les hommes de Bel- madi n’ont pas brillé, au point que l’union sacrée autour de la figure du coach, «ministre du bonheur», com- mence à se fissurer et qu’on parle déjà de la nécessité d’un changement à la barre technique. Sans conces- sion, le site TSA écrit : «Pour réussir le chantier de la reconstruction de l’équipe nationale, le sélectionneur Djamel Belmadi doit redistribuer les cartes comme il l’avait fait à son arrivée, quand il a redynamisé un groupe à l’agonie. Le discours du sélectionneur doit évoluer en fonc- tion des nouveaux objectifs tracés. Djamel Belmadi doit définitivement tourner la page de l’élimination à la Coupe du monde pour se concentrer sur les prochaines échéances. Djamel Belmadi ne doit plus se contenter de venir la veille des matchs, comme un coopérant technique en Algérie.
Grassement payé par la Fédération algérienne de football, il doit s’impli- quer davantage dans la recherche de nouveaux joueurs, aussi bien en Algérie qu’à l’étranger, pour reconstruire l’équipe nationale.»
Piratage des chaînes en force
«Bon, il n’y aura ni l’Algérie, ni Benzema… Drôle de Coupe du monde quand même !», commente un supporteur algérois croisé dans un lounge bar au centre-ville d’Alger qui organise des projections live des matchs du Mondial qatarien. «Tout ce qu’il nous reste, c’est de regarder de loin, sans trop d’enthousiasme», poursuit le jeune homme. Son voisin de table, lui, est plus préoccupé par le fait de trouver des démodula- teurs pirates pour suivre chez lui la compétition. D’ailleurs, le marché de ces dispositifs illégaux a explosé, ces derniers jours, et l’offre pirate est fort variée entre système IPTV, serveurs chinois et codes piratés pour craquer les chaînes comme TF1 ou beIN Sports… Mais le spleen du suppor- teur peut être plus dur à supporter sur place, malgré l’ambiance de feu que mettent les Algériens au Qatar.
«C’était une baffe, selon Nazim Bessol !»
Nazim Bessol, journaliste sportif et auteur, est un habitué du Qatar, où il se trouve actuellement pour couvrir l’événement mondial. «J’ai couvert au Qatar toutes les étapes de la pré- paration depuis 2017. Je me disais parfois «et si on ne se qualifiait pas ?.» Mais les résultats de l’équipe algérienne faisaient que cette hypo- thèse était balayée, puisqu’on était une super belle équipe, invaincue, on avait battu toutes les grandes équipes africaines, on avait fait des matchs top niveau contre le Mexique et la Colombie… On avait tout», ra- conte Nazim au téléphone à partir de Doha. «Ensuite, il y a eu le 29 mars [l’élimination face au Cameroun], et boum ! Tout se brise. Le plus dur a été de revenir ici, à Doha, deux jours après le 29 mars, encore sonné, sous le choc de l’élimination, pour assister au tirage au sort du Mondial. J’y al- lais à reculons. Il y avait tous les dra- peaux des pays qualifiés sur la route de l’aéroport, mais pas le nôtre… C’était une baffe !» Le journaliste se force à être réaliste. «Bon, il faut l’accepter, je vais suivre les matchs, les équipes qui m’intéressent… Mais cela reste compliqué en l’absence de notre équipe. Quand tu n’entends pas l’hymne de ton pays au stade, ce n’est pas évident…». Lors du match inaugural Équateur – Qatar, un journaliste équatorien dans la salle de presse du stade lui lance : «Ah, l’Algérie, l’équipe qui a perdu dans les dernières secondes du match !» «Ça nous poursuivra partout, déplore Nazim. C’est avec ça que je dois travailler durant ce mois au Qatar.»
– ADLENE MEDDI (LE POINT)